Entre chroniques courtes, essai, autobiographie romancée, la dernière sortie éditoriale d’Adrien Durand propose de regarder en face ce qui se passe derrière les scènes rock de France et de Navarre, une fois les amplis et les guitares électriques débranchés.
La première fois que j’ai entendu parler d’Adrien Durand, c’était sous l’angle de l’excellent fanzine qu’il a co-fondé à Bordeaux : Le Gospel.
Je me suis procuré un exemplaire et j’ai été tout de suite été saisi par l’angle choisi pour aborder des thèmes qui tournent presque toujours autour de la musique et parfois du cinéma, le tout saupoudré de questions de société plus ou moins existentielles. Un angle « sex, drug & Rock’n’Roll » un peu à la VICE, mais en plus érudit, plus littéraire. Bref, tout à fait mon genre de lecture, qui sort des sentiers battus des magazines musicaux en place, depuis des décennies en France.
C’est donc à cette occasion que je découvre l’excellente plume d’Adrien Durand et ses articles tout simplement passionnants. Le genre d’article qui vous fait oublier qu’il vous reste encore du café dans votre mug, ou encore quelques gorgées de bière au fond de votre verre, tellement vous êtes absorbés par ce que vous êtes en train de lire.
Je suis depuis plusieurs années, les aventures du Gospel et c’est ainsi que j’ai fait l’acquisition un jour, d’une réflexion littéraire sur l’attachement particulier que l’on peut avoir aux musiques mélancoliques. Coup de coeur sur ce petit bouquin qui évoque pour la première fois, un sujet qui m’est cher et qui va créer une connivence automatique avec l’auteur bordelais.
C’est aussi à ce moment-là que je découvre que Le Gospel est bien plus qu’un projet de fanzine (ce qui est déjà pas mal vu la qualité proposée à chaque fois !), mais que les ambitions sont bien plus grandes. Chapeau !
C’est comme ça que j’ai acheté cette année le nouvel effort littéraire d’Adrien Durand, « Tuer Nos Pères Et Puis Renaître ». Un amoncellement de récits courts qui viennent déconstruire la mythologie Rock.
Une fois que les lumières de la scène sont éteintes, il reste les odeurs de sueur et de bière qui rendent le sol collant. Un peu comme la vie de certains musiciens ou musiciennes connus ou non, et qu’Adrien Durand nous fait partager. Bien placé pour connaître ce petit milieu qu’il a observé de près comme de loin, le Bordelais fût lui-même membre d’un groupe, organisateur de concerts, intervieweur de musiciens, bref : il sait de quoi il parle. Dans ce texte lucide qui aurait pu s’intituler « Tuer nos pairs et puis renaître », l’auteur fait le point sur une période de sa vie, probablement pour mieux passer à la suivante. À la lecture de toutes ces histoires, on sent bien que comme les personnes évoquées dans ces différents récits, l’auteur y a laissé des plumes lui aussi. À base de « voyages inutiles », de déceptions artistiques, amoureuses et amicales. Pas évident de se balader dans sa vie, de déceptions en déceptions. Mais l’auteur semble accuser le coup pour poursuivre son rêve de vie de bohème nourrit à la musique et à l’art en général, et pour suivre les traces de ses pères spirituels qu’il va finir par tuer. N’est-ce pas là l’ordre logique des choses pour un homme ? Tuer le père… ? Tuer ses pères ?
Il évoque certaines des rencontres qui ont jalonné son parcours d’être humain sensible aux affres de l’existence et à l’art en général. Ce livre est un témoignage dont on se sent proche puisque c’est ce qu’Adrien sait faire de mieux à travers ses écrits : la création d’une proximité avec ses lecteurs. Et puis peut-être aussi parce que nous avons croisé nous aussi ces personnages… Et enfin parce qu’il y a un peu de nous en chacun des ces personnages…
Je ne résiste pas à vous partager l’un des passages qui m’a le plus marqué :
« Je m’étais clairement positionné dans une démarche artistique et industrielle anti-commerciale. Mais la fille bourrée du début avait raison. On se ressemblait tous, les petits mecs de la musique. On pensait, chacun dans notre coin, être assez « spécial » ou doué pour que le refus des règles ne nous empêche pas de devenir des artistes (plus ou moins) accomplis. On s’observait, on s’épiait : chaque avancée de l’autre était vécue comme une offense. Et on ne cessait pas de se tirer dans les pattes. Parfois on se rendait des services pour garder une apparence de solidarité […] mais quand on se croisait dans les bars et les espaces pros de festivals, on se mesurait. Nos réparties devenaient de plus en plus puériles, violentes. Mais personne n’en venait aux mains. Nos petits bras de gamins de la classe moyenne étaient trop frêles ».
Et puis la paternité est brièvement évoquée. Une paternité salvatrice ? Je ne sais pas, mais un nouveau chapitre de vie pour Adrien, certainement. Loin des odeurs de sueur et des sols collants des cafés concerts, des caprices puérils d’artistes autocentrés, mais toujours connecté à l’art et au sens qu’il peut donner à la vie.
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