Après 38 ans sans rien enregistrer, le groupe légendaire zambien WITCH revient avec un album. Vous vous intéressez à la musique africaine et au rock psyché : vous êtes au bon endroit.
Avant d’expliquer la raison pour laquelle cette sortie est une petite bombe dans l’histoire de la musique africaine, il convient de replacer les choses dans leur contexte et de vous parler un peu de la naissance du Zamrock, un style dont le groupe WITCH est encore aujourd’hui le porte-étendard et ceci depuis les années 70.
Un contexte politique et social explosif
Tout commence comme bien souvent dans l’histoire de la musique, par un contexte politique et social explosif. Nous sommes donc en Zambie, dans les années 70 ; époque très compliquée pour ce pays puisqu’après avoir dégagé les colons britanniques, les autocrates au pouvoir de l’époque décident de mettre la main sur les richesses du pays à savoir : les mines. Des tensions naissent alors avec le Zimbabwe voisin pendant que l’Angola et le Mozambique se battent de leurs côtés pour leurs indépendances respectives. L’histoire de l’Afrique s’enraye et se répète inlassablement depuis tellement de siècles… Mais ce n’est pas le sujet de l’article que vous lisez en ce moment.
Des influences rock chevillées aux pédales d’effets
L’idée est simplement d’expliquer dans quel contexte naît le mouvement Zamrock dans les années 70 en Zambie, alors que 10 ans plus tôt, dans les années 60, les perspectives étaient toutes autres pour les musiciens qui avaient vu naître une radio nationale ainsi que la Zambia Broadcasting Service. Un contexte technique et culturel qui aurait pu favoriser l’émergence de courant musicaux comme le Zamrock, d’autant qu’à l’aube de l’indépendance, plus de 70.000 européens vivaient en Zambie dont des Anglais. C’est exactement à cette époque que certains musiciens zambiens ont été fortement influencés par la musique anglo-saxonne et américaine et en particulier par le Rock, le Funk et le Folk music. Influencés par James Brown, Jimi Hendrix, les Rolling Stones, Deep Purple, Black Sabbath par exemple, c’est à ce moment-là que certains guitaristes zambiens ont commencés à utiliser des effets comme le « fuzz », le « flanger », entre autres effets de guitare électrique, pour ainsi inventer un courant musical qui leur sera propre à jamais : le Zamrock. Une sorte de mix entre un Rock psyché de blancs perfusé aux racines musicales africaines.
Du genre, ça 👇
Mais entre 1960 et 1970, le contexte politique et social va changer brutalement et tous les espoirs culturels seront douchés. Malgré l’engouement local pour ce nouveau courant musical qui connaîtra son « apogée » en 1975, le Zamrock n’aura pas la possibilité de s’offrir un destin pérenne et hors des frontières de la Zambie, pour les raisons évoquées plus haut. La pauvreté locale galopante fera que les moyens alloués à la production et à la diffusion musicale vont disparaître dans ce « petit » pays peu peuplé à l’époque comparé aux autres pays d’Afrique, et les groupes ne vont pas avoir les moyens de se faire reconnaître au-delà de la Zambie. Dans les années 80, le Zamrock ne sera plus un sujet ; ou presque.
Il est très difficile de se procurer des vinyles ou des cassettes des enregistrements de l’époque. Mais au début des années 2000 et grâce internet, quelques passionnés vont déterrer des enregistrements d’époques qui vont pouvoir à la fois redonner ses lettres de noblesses au Zamrock, en le rendant audible par de nombreuses oreilles chanceuses à travers le monde, dont les miennes. C’est le formidable label californien basé à Los-Angeles Now Again Records qui va remettre à sa juste place le Zamrock et en particulier son groupe le plus représentatif : WITCH. Libre écoute, CD et vinyles d’enregistrements oubliés, depuis parfois les masters d’origine : la musique de WITCH devient accessible. Comme avec par exemple, la sortie en 2012 du troisième album de WITCH : « Lazy Bones », originalement parut en 1975.
Après 38 ans sans enregistrement de nouveaux morceaux, WITCH revient !
C’est en ce début juin 2023 que 38 ans après, WITCH revient, non pas avec un son transformé par la technologie moderne, mais un son qui conserve son ADN de départ, sa sincérité originelle et donc, tous le sens de ce courant Zamrock. En effet, « Zango » a été enregistré à Lusaka, la capitale de la Zambie sur un 8 pistes à bandes. Non pas par manque de moyens, mais je pense sans prendre trop de risques, que c’était plutôt une volonté affirmée par le groupe et Jacco Gardner qui a mixé cet album de rester sur les origines du Zamrock, en s’imposant une économie de moyens pour l’occasion.
Pour ma part, c’est une réussite totale et un vent de fraîcheur qui fait vraiment plaisir à entendre, en direct de Lusaka.
Pour écouter ou acheter le disque 👇
Le texte de cet article a été inspiré par le livret intérieur d’une compilation CD introuvable aujourd’hui sortie chez Now Again Records en 2012 et qui regroupait l’intégralité des enregistrement de WITCH entre 1972 et 1977. Compilation que j’avais eu le bon goût d’acheter à l’époque mais dont j’ai eu le mauvais goût de perdre les deux premiers CD 😭